Exposition “Elément Terre”
Axelle Grégoire & Alexandra Arènes
Commande de l’Institut Paris Région pour la BAP 2022 (Biennale d’Architecture et de Paysage),exposition à l’ancienne poste de Versailles. Projet de recherche soutenu par le Centre des Politiques de la Terre (This study was supported by the IdEx Université de Paris, ANR-18-IDEX-0001). Enquêtes, ateliers, interviews.
Qu’est-ce que le sol ? Existe-t-il un sol urbain ? Quelle est la particularité du sol en Ile de France ? L’exploration cartographique présentée ici ne cherche ni à répondre à ces questions de façon exhaustive, ni à proposer une vision holistique du sol. L’enjeu de cette enquête graphique est de regrouper et de mettre en discussion différentes visions de ce qu’est le sol du Bassin Versant Parisien. Dans ce sens, ce rapport de fabrication présente une série de visualisations qui ont été réalisées à partir d’entretiens ou d’ateliers avec différents acteurs : scientifiques de la Terre (géochimistes, géophysiciens, géologues), spécialistes des matériaux (carrières, entreprises de matériaux), spécialistes de l’habitat humain (aménageurs, archéologue). Chacun de ces acteurs a permis de dessiner un bout de sol spécifique à sa pratique ou objet d’étude. Ce projet fait, en effet, l’hypothèse que c’est à partir de l’étude des actions menées sur ce sol commun, que l’on peut comprendre la stratigraphie des imaginaires disciplinaires et les relations possibles entre ces acteurs.
Partir d’une vision kaléidoscopique pour penser une cartographie réflexive et itérative équivaut à multiplier les plans de lectures, à procéder à de nombreux réglages de l’outil de représentation et à réfléchir aux modes de traduction de ces données hétérogènes et non normées. Pour donner à voir la complexité de ce sol (épaisseurs, interactions avec la surface, diversité des entités habitantes), il a fallu utiliser une projection particulière qui s’éloigne du planisphère traditionnel. Issue du livre Terra Forma, manuel de cartographies potentielles, cette projection « retourne le globe terrestre comme un gant » afin de placer au centre de la carte, l’atmosphère. Elle est ainsi entourée des couches du sol déployées de manière concentrique. Celles-ci sont elles-mêmes englobées et limitées par les roches plus profondes qui constituent la bordure périphérique de la carte. De la sorte, il n’y a plus « d’extérieur », la Terre est limitée au-dessus comme en-dessous : nous devons habiter, construire, nous nourrir, à l’intérieur de cette épaisseur de quelques mètres.
La compréhension de ce sol peut-elle être partagée ? Quels en sont les éléments communs ? Ceux irrémédiablement différents et parfois conflictuels ? Ont émergés de cette enquête, trois grandes thématiques qui guideront le débat : eau, ressource, et mémoire vive. A partir des cartes intermédiaires thématisées par acteurs (présentées sur la cimaise), nous avons sélectionné de potentiels conflits d’usage qui figurent sur la carte commune (présentée sur le socle). Cette carte décline les principaux enjeux croisés qui permettent de comprendre, à partir de l’objet sol, les impacts de l’Anthropocène dans les milieux urbains. Un atelier pendant la Biennale permettra de continuer à mettre en mouvement cette représentation et à interroger nos actions sur le sol.
Atelier “Sols à Défendre” (SAD)
Gobled, Cartographe, Directrice du Département des Systèmes d’Information à L’Institut Paris Region; Eric Gomez, Directeur régional IDF au BRGM; Jean-Michel Guihaume, Délégué Général du SNIP (Syndicat National des Industries du plâtre); Thierry Hauchard, Chef de servive Foncier & Environnement de l’entreprise GSM GRANULATS, membre de l’UNICEM (Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction); Sophie
Mambrini, Responsable communication pour les carrières de gypse, entreprise Placopatre
Le sol, et ses profondeurs, est souvent sous-représenté dans l’imaginaire collectif, mais également dans celui de l’aménagement. Considéré comme surface « stable » sur laquelle construire, ses composantes sont négligées. Or le sol est vivant, et il est aussi le théâtre de transformations qui impacteront la vie en surface. Le sol et ses ressources sont aussi objets de spéculations et de disputes. Le sol est une zone à défendre, pas seulement horizontalement, mais, et c’est ce que nous vous proposons d’explorer ici, verticalement. Mais qu’est ce qui est à défendre de ce sol en épaisseur ?
C’est cette question que nous avons proposé d’explorer aux participants de l’atelier de travail à partir de la carte dessinée grâce à l’enquête. Le deuxième moment de ce projet de cartographie a donc été une rencontre-débat autour de cette carte dans l’espace de l’exposition «élément Terre». Cet atelier a réuni les différents acteurs interrogés mais aussi d’autres invités. Dans le prolongement de cet atelier, la carte a évolué et a été transformée pour la suite de l’exposition. Les participants devaient choisir un SAD à défendre (photos ci-contre) et répondre à une série de questions visant à explorer ce SAD et mieux le porter à connaissance.
Le résultat de cet atelier a permi de compléter la carte, en précisant les composantes et les phénomènes en présence. Ces «détails»; réprésentés grâce aux objets gravés sont par exemple la diversité des nappes, les technosols, les horizons pédologiques, les sols pollués, la mémoire du vivant. S’ajoute à cela une cartographie des enjeux pour chaque SAD, réprésentés par des «boussoles thématiques» exposés autour de la carte. Ces enjeux sont assimilables à des positionnements stratégiques et à des invitations à l’action :
– Le sol comme connaissance :penser une conceration et une mise en réseau de la connaissance des sols (Institut Paris Région, BRGM, IPGP) – Le sol fertile : imaginerune dynamique de refertilisation à l’échelle des mouvements de terre avec une épaisseur plus importante qu’actuellement (Paysagiste, entreprise GSM) – Le sol comme gisement : rendre visible la dépendance au matériau en communiquant sur le lien entre exploitation et développement urbain (SNIP, Institut Paris Région, entreprise GSM) – Le sol comme mémoire : reconnaître le fait que nous vivons sur des détritus de vivants (IPGP, Institut Paris Région, BRGM)